22.03.2020 — Jour 6
Six jours. C’est le temps qu’il me fallait à tourner autour de mon appartement et de mon nombril pour réaliser qu’un peu de recul s’impose. Si déjà le sentiment de devoir justifier l’exposition instantanée de mon intimité se pointe, si déjà elle me met mal à l’aise, c’est que ce chemin n’est pas le bon. Quel est mon rôle, aujourd’hui, dans cette société claquemurée ? J’observe, écoute, lis, considère les soignant·e·s, nourrisseur·se·s, travailleur·se·s volontaires ou contraint·e·s, enseignant·e·s dévoué·e·s. Les sans-mur pour s’y calfeutrer, les sans-famille pour s’y réchauffer. Et tous les autres, pour qui c’est encore plus la merde qu’à l’accoutumée. Je me sens bien inutile, à balancer quelques photographies de mon intérieur plein de projets. L’envie de sortir capturer Paris vide ne me dévore pas et j’imaginais peut-être que mon petit combat à moi était de livrer aux réseaux sociaux le vide qu’on essaie toutes et tous de remplir ces jours-ci. Mais le vide et l’attente se cultivent probablement mieux loin des regards. Photographier et écrire l’intime demande de l’intimité. Cela risque d’être long, et je crois qu’il est plus sage de me mettre en retrait, de profiter de ce temps pour construire mes histoires personnelles avec intelligence, sans la pression qu’une publication hebdomadaire peut exercer.
Je ne m’interdirai pas de partager de temps en temps un signe de vie photographique.
Prenez soin de vous, de vos co-confiné·e·s ou de votre solitude.
Je vous embrasse.
